[Confédération][3] Semper et Ubique
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction , Action
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 26
Publié le 05/07/14 à 17:39:20 par Gregor
Les navettes étincelaient dans la lumière rasante d’Antarès, qui s’engouffrait largement sous le haut plafond des hangars. Stoïques, Flinn et Guillhem patientaient. Cyrill avait ordonné la suspension des investigations pour un temps, reportant sine die l’application de la Question. Avec soulagement pour l’un et amertume pour l’autre, ils avaient obéi sans discuter. Ils devaient s’engager avec le Major dans la même embarcation, pour une destination vague sur l’hémisphère nord de la planète. Lorsque ce dernier se présenta sur la passerelle débouchant sur l’immense espace grouillant d’activité, Guillhem remit un peu d’ordre dans sa tenue. Il avait opté pour une pelisse à capuche austère, dissimulant un ensemble uni gris foncé couturé d’argent. Seuls son bras droit et une partie de son visage, cybernétisés, rompaient avec son uniformité. Son regard vert tranchait avec sa barbe naissante et sa chevelure impeccablement taillée, flamboyante. Le surnom de « Guillhem le Rouge » commençait déjà à circuler à bord, non seulement à cause de sa rousseur mais aussi au regard de ses activités, qui disait-on, avait déjà lourdement entaché ses mains.
— Je vois que mes directives ont été entendues, lança Cyrill en s’approchant du duo. C’est bien.
— Monseigneur, répondit Guillhem en inclinant la tête, c’est un honneur de vous voir.
— Ces belles paroles sont de vrais compliments dans ta bouche, apprenti. J’ai cru comprendre que tu avais bien avancé dans ta mission.
— Vous avez pu consulter le rapport, monseigneur ?
— En effet, Guillhem. Même si nous n’avons pas mis la main sur un traitre, au moins nous as-tu permis de progresser un peu. En éliminant les Navigateurs, c’est un dixième de l’équipage qui peut être mis hors de cause. C’est un bon début.
— Vous êtes trop bon, monseigneur, rougit l’intéressé.
— Continue ainsi, Guillhem. Mais ne faiblis pas. La tâche est ardue, et la paresse un bien agréable refuge. Flinn ?
— Oui ?
— Flinn, il faudra que nous discutions. En privé.
Le Naneyë hocha la tête. Le vénérable Clerc et son acolyte se dirigèrent seuls vers le sas de la navette, et y pénétrèrent, vérifiant que l’engin était désert.
— Flinn, reprit Cyrill, Le Commandus Magnus ne viendra pas.
— Ah ?
— Trop de pressions sur Civimundi. La constitution du Saint Ordre des Licteurs lui demande beaucoup plus de temps que prévu. Même si la présence du Très Saint Magister apaisera les tensions, je doute que cela suffise à calmer l’animosité ambiante. Pas mal de racontars trainent dans les couloirs, et il serait lamentable que son honneur se retrouve sali par des suspicions qui ne devraient même pas exister.
Flinn hocha la tête, et semblait comprendre la nature du propos.
— Vous voulez que je réalise un petit discours à prononcer sur la Triste Place ?
— En effet, Flinn. Tu es suffisamment habile avec les mots pour biaiser l’attention des Nobles Clercs et des soldats pour faire retomber la pression le temps des cérémonies.
— Dois-je mettre mon apprenti dans la confidence ?
— C’est un peu tôt, argumenta Cyrill. Je ne doute pas de l’intelligence de Guillhem, mais il est suffisamment pervers pour rendre la situation inconfortable. Lorsque je l’introniserai, d’ici quelques mois, il sera bien plus à même de traiter ce genre d’affaires délicates. Mais pas maintenant.
— Entendu. Quoi d’autre ?
Un sourire perça le visage de Cyrill.
— Je pense qu’il y a déjà fort à faire, Flinn. Sachant que nous décollons dans dix minutes, cela te laisse peu de temps. Reste donc à bord, je m’occupe de faire patienter nos compagnons.
— Et pour Guillhem ?
— S’il veut de l’honneur et de la Sainte Docte, il sera servi.
Guillhem attendait toujours, à quelques pas de la navette. Serviteur et Navigateurs s’activaient à bon rythme, et une masse de soldats commençait à déferler sur le hangar. Bien ordonnés, ils se dirigeaient aux grès des ordres aboyés par les sous-officiers. Les petits groupes constituaient par les officiers et les Inquisiteurs se massaient en retrait par rapport à la foule des militaires, facilement identifiables aux décorations et nobles étoffes qu’ils arboraient.
Lorsque Cyrill surgit du sas, il se raidit, et laissa son regard dériver sur la figure austère de l’Inquisiteur.
— Le Noble Clerc Flinn est chargé d’une mission qui lui prendra un peu de temps.
— Dois-je le seconder, monseigneur ? s’enquit l’apprenti.
— Chaque chose en son temps. Pour le moment, nous avons l’occasion de discuter tranquillement. Les chargements de la navette seront prêts d’ici une demi-heure. Ce sera bien assez pour que je te questionne un peu sur tes acquis, Guillhem.
— Mes… Mes acquis, monseigneur ?
— Oui, tes acquis, répéta Cyrill. Je ne pense pas que le Noble Clerc Flinn t’ait laissé sans ressources sur le sujet. La fondation de la Sainte Docte ?
— L’an 2099, monseigneur.
— Question facile, ironisa Cyrill. La soixante-dix-septième Règle ?
— Toute consommation de stupéfiant par un Confédéré, de surcroit un Cultiste, sera interdite. La sanction pour la faute sera une pénitence consistant en un jeûne de…
— Très bien, très bien, cela me suffit. Le nombre de jours que devra effectuer en service un apprenti auprès de son maître ?
— Mille jours. Moins les temps consacrés aux cérémonies civiles. Le délai peut être augmenté selon l’appréciation du maître sur son disciple.
— Rappelle-moi le Serment Mécaniste dans son intégralité ?
— Nul ne peut ignorer la loi du Culte, où qu’il soit et quelle que soit sa condition physique ou mentale. Nul ne peut échapper à Son jugement et Sa stricte observance, et donnera sa vie si le Seigneur Mécanique le lui demande. Ma foi sera mon pilier, ma conviction mon bouclier, ma rigueur ma lame. En conséquence, je servirais à tout jamais le Dieu-Machine, partout où Il me guidera, en toute époque. Je reconnais la pleine puissance des pouvoirs de Son Élu, le Très Saint Magister Siegfried, que je servirais avec la même dévotion et le même respect. Que la mort et la honte soient mes châtiments si je trahis mon serment.
— Parfait. Voilà quelques prérequis qui ne manquent pas d’attrait, n'est-ce pas, Guillhem ?
Les traits crispés, l’homme hocha la tête. Il ne pouvait pas faillir devant celui qu’il considérait comme un des rares individus respectables engendrés par l’espèce humaine.
— Une dernière question, après quoi nous discuterons de choses plus personnelles. Que doit faire un Noble Clerc s’il rencontre un cas supposé d’hérésie, non avéré d’aucune manière, et qu’il ne dispose pas de l’aide d’un confrère ou bien d’un confédéré ?
— Le soumettre à la Question, dans la limite où il peut sonder physiquement son esprit. S’il est dépourvu des Biens Immuables accordés par les cybernautes, il devra immobiliser l’individu et le maintenir en vie par tous les moyens possible, et le soumettre dès qu'il en aura les moyens à la Question.
Cyrill sourit, avant de reprendre.
— Je ne t’aurais pas renié en temps qu’apprenti. Mais le Noble Clerc Flinn a été bien plus rapide que moi. Mais, trêves de bavardages. Dis-moi, Guillhem, comment considères-tu le Commandus Magnus Mac Mordan ?
La question était évidemment un piège. Cyrill menait lui aussi sa petite enquête, et la grossièreté du procédé ne devait pas manquer de déstabiliser son interlocuteur.
— C’est un saint homme, monseigneur. Le plus bel exemple de la Rédemption accordé par Notre Seigneur.
— Est-ce tout ?
— je n’ai jamais eu l’honneur de le rencontrer, monseigneur.
— Alors voilà qui devrait te ravir, Guillhem. Je le contacterai pour que tu puisses obtenir une séance auprès de lui. Je ne garantis pas que cela se fasse en privé, au moins pourras-tu converser avec lui. Vous êtes très semblables tous les deux. Mis à part le fait qu’il soit né sur un sol impie et que son sens de l’honneur l’ait lavé de tout soupçon, sa foi affermie par la Sainte Docte.
— Monseigneur, c’est un honneur que je ne peux accepter, bredouilla Guillhem.
— Il a été décidé ainsi, tempéra doucement Cyrill. Je ne te demande pas d’accepter ou de refuser, c’est un ordre, Guillhem. Je m’arrangerais pour que le Noble Clerc te libère de tes obligations le temps nécessaire.
— Monseigneur, je vous serais redevable.
— Je le sais bien, Guillhem, je le sais bien.
La conversation se termina dans un silence épais entre les deux hommes. Silence rompu par le fracas sourd des navettes qui se remplissaient de soldats. Douze se précisait un peu plus.
— Je vois que mes directives ont été entendues, lança Cyrill en s’approchant du duo. C’est bien.
— Monseigneur, répondit Guillhem en inclinant la tête, c’est un honneur de vous voir.
— Ces belles paroles sont de vrais compliments dans ta bouche, apprenti. J’ai cru comprendre que tu avais bien avancé dans ta mission.
— Vous avez pu consulter le rapport, monseigneur ?
— En effet, Guillhem. Même si nous n’avons pas mis la main sur un traitre, au moins nous as-tu permis de progresser un peu. En éliminant les Navigateurs, c’est un dixième de l’équipage qui peut être mis hors de cause. C’est un bon début.
— Vous êtes trop bon, monseigneur, rougit l’intéressé.
— Continue ainsi, Guillhem. Mais ne faiblis pas. La tâche est ardue, et la paresse un bien agréable refuge. Flinn ?
— Oui ?
— Flinn, il faudra que nous discutions. En privé.
Le Naneyë hocha la tête. Le vénérable Clerc et son acolyte se dirigèrent seuls vers le sas de la navette, et y pénétrèrent, vérifiant que l’engin était désert.
— Flinn, reprit Cyrill, Le Commandus Magnus ne viendra pas.
— Ah ?
— Trop de pressions sur Civimundi. La constitution du Saint Ordre des Licteurs lui demande beaucoup plus de temps que prévu. Même si la présence du Très Saint Magister apaisera les tensions, je doute que cela suffise à calmer l’animosité ambiante. Pas mal de racontars trainent dans les couloirs, et il serait lamentable que son honneur se retrouve sali par des suspicions qui ne devraient même pas exister.
Flinn hocha la tête, et semblait comprendre la nature du propos.
— Vous voulez que je réalise un petit discours à prononcer sur la Triste Place ?
— En effet, Flinn. Tu es suffisamment habile avec les mots pour biaiser l’attention des Nobles Clercs et des soldats pour faire retomber la pression le temps des cérémonies.
— Dois-je mettre mon apprenti dans la confidence ?
— C’est un peu tôt, argumenta Cyrill. Je ne doute pas de l’intelligence de Guillhem, mais il est suffisamment pervers pour rendre la situation inconfortable. Lorsque je l’introniserai, d’ici quelques mois, il sera bien plus à même de traiter ce genre d’affaires délicates. Mais pas maintenant.
— Entendu. Quoi d’autre ?
Un sourire perça le visage de Cyrill.
— Je pense qu’il y a déjà fort à faire, Flinn. Sachant que nous décollons dans dix minutes, cela te laisse peu de temps. Reste donc à bord, je m’occupe de faire patienter nos compagnons.
— Et pour Guillhem ?
— S’il veut de l’honneur et de la Sainte Docte, il sera servi.
Guillhem attendait toujours, à quelques pas de la navette. Serviteur et Navigateurs s’activaient à bon rythme, et une masse de soldats commençait à déferler sur le hangar. Bien ordonnés, ils se dirigeaient aux grès des ordres aboyés par les sous-officiers. Les petits groupes constituaient par les officiers et les Inquisiteurs se massaient en retrait par rapport à la foule des militaires, facilement identifiables aux décorations et nobles étoffes qu’ils arboraient.
Lorsque Cyrill surgit du sas, il se raidit, et laissa son regard dériver sur la figure austère de l’Inquisiteur.
— Le Noble Clerc Flinn est chargé d’une mission qui lui prendra un peu de temps.
— Dois-je le seconder, monseigneur ? s’enquit l’apprenti.
— Chaque chose en son temps. Pour le moment, nous avons l’occasion de discuter tranquillement. Les chargements de la navette seront prêts d’ici une demi-heure. Ce sera bien assez pour que je te questionne un peu sur tes acquis, Guillhem.
— Mes… Mes acquis, monseigneur ?
— Oui, tes acquis, répéta Cyrill. Je ne pense pas que le Noble Clerc Flinn t’ait laissé sans ressources sur le sujet. La fondation de la Sainte Docte ?
— L’an 2099, monseigneur.
— Question facile, ironisa Cyrill. La soixante-dix-septième Règle ?
— Toute consommation de stupéfiant par un Confédéré, de surcroit un Cultiste, sera interdite. La sanction pour la faute sera une pénitence consistant en un jeûne de…
— Très bien, très bien, cela me suffit. Le nombre de jours que devra effectuer en service un apprenti auprès de son maître ?
— Mille jours. Moins les temps consacrés aux cérémonies civiles. Le délai peut être augmenté selon l’appréciation du maître sur son disciple.
— Rappelle-moi le Serment Mécaniste dans son intégralité ?
— Nul ne peut ignorer la loi du Culte, où qu’il soit et quelle que soit sa condition physique ou mentale. Nul ne peut échapper à Son jugement et Sa stricte observance, et donnera sa vie si le Seigneur Mécanique le lui demande. Ma foi sera mon pilier, ma conviction mon bouclier, ma rigueur ma lame. En conséquence, je servirais à tout jamais le Dieu-Machine, partout où Il me guidera, en toute époque. Je reconnais la pleine puissance des pouvoirs de Son Élu, le Très Saint Magister Siegfried, que je servirais avec la même dévotion et le même respect. Que la mort et la honte soient mes châtiments si je trahis mon serment.
— Parfait. Voilà quelques prérequis qui ne manquent pas d’attrait, n'est-ce pas, Guillhem ?
Les traits crispés, l’homme hocha la tête. Il ne pouvait pas faillir devant celui qu’il considérait comme un des rares individus respectables engendrés par l’espèce humaine.
— Une dernière question, après quoi nous discuterons de choses plus personnelles. Que doit faire un Noble Clerc s’il rencontre un cas supposé d’hérésie, non avéré d’aucune manière, et qu’il ne dispose pas de l’aide d’un confrère ou bien d’un confédéré ?
— Le soumettre à la Question, dans la limite où il peut sonder physiquement son esprit. S’il est dépourvu des Biens Immuables accordés par les cybernautes, il devra immobiliser l’individu et le maintenir en vie par tous les moyens possible, et le soumettre dès qu'il en aura les moyens à la Question.
Cyrill sourit, avant de reprendre.
— Je ne t’aurais pas renié en temps qu’apprenti. Mais le Noble Clerc Flinn a été bien plus rapide que moi. Mais, trêves de bavardages. Dis-moi, Guillhem, comment considères-tu le Commandus Magnus Mac Mordan ?
La question était évidemment un piège. Cyrill menait lui aussi sa petite enquête, et la grossièreté du procédé ne devait pas manquer de déstabiliser son interlocuteur.
— C’est un saint homme, monseigneur. Le plus bel exemple de la Rédemption accordé par Notre Seigneur.
— Est-ce tout ?
— je n’ai jamais eu l’honneur de le rencontrer, monseigneur.
— Alors voilà qui devrait te ravir, Guillhem. Je le contacterai pour que tu puisses obtenir une séance auprès de lui. Je ne garantis pas que cela se fasse en privé, au moins pourras-tu converser avec lui. Vous êtes très semblables tous les deux. Mis à part le fait qu’il soit né sur un sol impie et que son sens de l’honneur l’ait lavé de tout soupçon, sa foi affermie par la Sainte Docte.
— Monseigneur, c’est un honneur que je ne peux accepter, bredouilla Guillhem.
— Il a été décidé ainsi, tempéra doucement Cyrill. Je ne te demande pas d’accepter ou de refuser, c’est un ordre, Guillhem. Je m’arrangerais pour que le Noble Clerc te libère de tes obligations le temps nécessaire.
— Monseigneur, je vous serais redevable.
— Je le sais bien, Guillhem, je le sais bien.
La conversation se termina dans un silence épais entre les deux hommes. Silence rompu par le fracas sourd des navettes qui se remplissaient de soldats. Douze se précisait un peu plus.
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